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vendredi 24 juin 2011

La Saint-Jean est l’ennemie du chien

Barcelone, vendredi 24 juin 2011.

La France travaille, l’Espagne travaille, mais la Catalogne reste au lit toute la journée. Ainsi, à la minute, l’espérance de retourner sous les draps m’est-elle offerte. La Saint-Jean est déclarée jour férié dans le calendrier officiel de la Communauté Autonome de Catalogne où on dirait que les fêtes visent de tomber le vendredi afin d’engendrer des ponts. Ce n’est pas sans conséquences sur les minutes que je traverse. Je vous écris tranquillement tout en mordillant une lamelle de « jabugo » au goût dense et fort, magnifique. Boire juste après du café comme je viens de le faire est une aberration cependant acceptable un jour comme celui-ci. Deux verres de Quincy, du meilleur, de chez Mardon, fond de bouteille, et le palais se remet aussitôt d’aplomb ! Il règne en ce moment un silence monumental qui n’a rien à voir avec celui des dimanches. Il est précisément dix heures. À huit heures, sur la terrasse d’en face appartenant à un Écossais européiste, des jeunes femmes dansaient encore, mais mollement, autour d’un crâne chauve luisant sous le soleil levé dorlotant le sommeil des guirlandes qui filent en petits drapeaux les nations du Vieux Continent. Les jeunes femmes sont rentrées ou bien elles se sont écroulées, la perspective ne m’autorise à observer que des dépassements à partir des hanches. Pas de crâne luisant non plus. Les ampoules restent allumées au grand dam du développement durable. Ainsi tout repose dans une ouate filandreuse sertie de bâillements. Les murs gonflés de poudre pyrotechnique ont mal, et les hirondelles en écrasent, elles qui la veille virevoltaient sans interruption dans le volume profond des cours. Les chaises empilées sur la Rambla attendent qu’on les bouge encore, et les perroquets d’Argentine paraissent empaillés sur les platanes du rond-point.

La nuit fut blanche de toutes les façons. À chaque Saint-Jean, sous l’effet de la pétarade prodigieuse, Barcelone pratique l’échange céleste avec Kiruna la Lapone, Kiruna la Suédoise, Kiruna et sa déraisonnable latitude, Kiruna pâle de nuit comme de jour en été. Tout rituel oppose souvent le local à l’universel et dans cette Barcelone pour quelques heures La Blanche, l’étranger observant le désordre, certes avec empathie, ne peut espérer de battre de l’âme comme l’autochtone. La « coca », galette à variantes que l’on mange, recèle le goût exclusif des nourritures d’enfance, et le « cava », qui se prétendit un temps champagne, possède des qualités singulières qui réveillent instantanément le palais d’un Jordi ou d’une Teresa, alors que celui d’un Pierre ou d'une Svetlana tâtonnent.

Cette année, les marchands de petits et moyens explosifs ont marché sur les mines de la crise sociale. Au cours de la semaine, jamais on n’avait entendu de sorties d’écoles aussi peu désordonnées et bruyantes. Les sursauts des grand-mères avaient abandonné l’angle des rues. Dans la nuit à moitié blanche passée à Gelida, à 40 kilomètres de ma base, à la lueur des chandelles d’un jardin d’été éclairé aussi par les décolletés et par un joli filet de porc magnifiquement cuit au point tendre, j’ai vécu une pétarade dont la dimension sonore était acceptable. Je vais vous surprendre en vous apprenant que j’ai songé très fort à Alexandre Vialatte. Quand on a lu une fois cet homme, c’est pour la vie qu’on retient certains de ses aphorismes et qu’on envie son esprit très fin. Soudain, je me suis rappelé. « Ce qu’il y a de meilleur dans l’homme c’est le chien. » Parmi les convives, se trouvait un chien roux, sympathique et doux (Elsa, ma fille, écrivait ce genre de rimes cristallines, menues, craquantes, au Cours Préparatoire à propos des écureuils...). Affolements de la bête à chacun des boums ! On lui donna une pastille. En vain. Une autre. En vain. Je proposai qu’on lui balançât la tablette entière dans la gorge. On ne fit aucun cas de ma proposition. Il ne lui fut offert aucun morceau de « coca » en compensation. La Saint-Jean est l’ennemie du chien, je le dis en considérant la dernière lamelle de « jabugo ».

A bientôt.

2 commentaires:

  1. le jabugo, on peut en ma,nger toute l'année mais les minuscules poires san juan, que 15 jours et elles sont délicieuses, miam

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  2. http://www.gastronomiaycia.com/2009/06/17/pera-de-san-juan/
    il y en avait à madrid, à bcn, je ne sais pas

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